Rapports de Benserade avec les autres écrivains de son époque
Les rapports qu'a eus Benserade avec ses contemporains ont parfois été difficiles, mais ce qui est original, c'est que souvent, leurs commentaires étaient rédigés en vers, comme on peut par exemple le lire sur cet article de Mme Lila Maurice-Amour qui est paru dans les Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1957, n°9.
Rapports avec Madame de Sévigné
Benserade est pour Mme de Sévigné l'auteur des Ballets dans lesquels sa fille avait dansé à la Cour.
Lettres de Madame de Sévigné recueillies et annotées par M. Monmerqué
Dans la notice biographique sur Madame de Sévigné de ce document,
on peut voir
que les rapports entre Benserade et les Sévigné mère et fille étaient au beau
fixe
et dans le livre Lettres Choisies de Madame de
Sévigné 1648-1696 édité en 1923
on peut trouver cette lettre.
Dans la lettre 29 du 11 mars 1671 à sa fille, la marquise de Sévigné rappelle
que tous les vendredis,
elle dine avec Benserade (qui fait la joie de la
compagnie !)
A cette époque, Benserade vient d'arrêter l'écriture des lavrets
des Ballets de Cour
et s'apprête à écrire les quatrains destinés au
Labyrinthe de Versailles
Et dans l'édition de 1861 des lettres de la marquise de Sévigné,
on peut voir
que c'est chez Monsieur de la Rochfoucauld que Benserade fait la joie de la
compagnie !
Et dans l'édition d'Avignon de 1804, dans la lettre du 3 avril 1671,
la
marquise de Sévigné indique que Benserade n'était pas là, d'où peut-être sa
tristesse !
La marquise de Sévigné connaissait effectivement très bien Benserade
comme
elle le disait dans la lettre qu'elle avait envoyée à Furetière du 4 mai 1686 :
Lettre envoyée le 14 mai 1686 à Roger de Bussy-Rabutin
dans laquelle
elle prend le parti de Benserade et de La Fontaine suite aux attaques de
Furetières
(lettre trouvée sur le site
Itinéraires Littéraires :
documents et ressources téléchargeables (itineraireslitteraires.fr)
Rapports avec Jacqueline Pascal (soeur de Blaise Pascal)
A l'époque où il était encore étudiant à Paris, Benserade a bien connu Jacqueline Pascal (1625-1661), la soeur de Blaise Pascal. On peut supposer même qu'il s'est bien entendu avec elle car tous deux avaient plusieurs points communs. D'abord, Jacqueline Pascal a été une enfant très douée qui, très jeune, pouvait improviser des vers comme on peut le lire dans le tome 5 de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes qui porte sur l'année 1843-1844 :
Ensuite, on peut dire que Benserade et Jacqueline ont eu un jour des attitudes similaires en présence d'un cardinal : en février 1639, Richelieu ayant voulu assister à une comédie réalisée par des enfants, la Duchesse d'Auguillon proposa les deux filles de madame Saintot et Jacqueline Pascal d'écrire un scénario qu'elles jouèrent sur scène, et après le spectacle, Jacqueline est allée directement voir le cardinal pour lui lire un compliment que l'on pourra voir ci-dessous, extrait du livre de Stephen Valot Regardons vivre Blaise Pascal , et dans lequel elle lui demandait de pardonner à son père, Etienne Pascal, lequel était en fuite depuis quelques temps après avoir pris part à une sédition.
Richelieu, ému, lui a alors répondu que son père pouvait venir le voir, ce qu'il fit et fin 1639, Etienne Pascal obtenait un poste en Normandie !
On peut rapprocher cette histoire à ce qui est arrivée à Benserade quelques années plus tôt avec le cardinal Mazarin : Benserade avait déjà ses entrées à la cour lorsqu'il apprit d'un ami que le cardinal un jour avait raconté que lorsqu'il était à Rome il appréciait la poésie et qu'il écrivait des vers et que là-bas, "il était dans la cour du pape comme Benserade dans la cour de France". Apprenant cela, Benserade se rendit de suite chez le cardinal, força la porte alors que Mazarin venait de se coucher, présenta ses excuse et le remercia de s'être comparé à lui. Cet empressement plut beaucoup au cardinal qui l'assura de sa protection ; et une semaine plus tard il lui envoya une pension qui sera suivie de plusieurs autres pensions !
Et un jour, Jacqueline Pascal envoya à Benserade une poésie de 6 strophes à laquelle il répondit par une autre poésie qui en comportait 14 comme on va le voir ci-après :
Stances de Mademoiselle Pascal, "Pour une Dame
de ses amies, sous le nom d’Amarante, amoureuse de Thyrsis",
vers
qui avaient été envoyés par Jacqueline à Benserade en 1638 (elle avait 13 ans),
première strophe, on pourra voir
la totalité des 6 strophes en cliquant ici.
Imprudente Divinité, Injuste et fâcheuse chimère, Dont le pouvoir imaginaire Tourmente une jeune beauté. Amour, que ton trait est nuisible, Et que tu parois insensible À tant de plaintes et de vœux ! Alors qu’Amarante soupire, Thyrsis est exempt de tes feux Et ne connoît point ton empire. |
Réponse de Benserade aux vers qu'il avait reçus de Jacqueline Pascal (3 premières strophes). on pourra voir la totalité des 14 strophes de sa réponse en cliquant ici.
Que ce
trait d’un esprit adroit comme le vôtre Est délicat et doux, Et que vous feignez bien de parler pour un autre, Quand vous parlez pour vous ! Que vos vers sont ardens, que leur pompe est brillante, Et qu’ils sont radoucis ! Il n’en faut point douter, vous êtes l’Amarante, Et je suis le Thyrsis. Ils sont de vous à moy, ces vers que chacun louë, Et ne le niez plus ; Pensez à la rougeur qui vous a peint la jouë Dès que je les ay lus. |
Le sujet abordé par Jacqueline Pascal dans sa poésie a été également abordé par
La Fontaine
dans sa fable Tircis et Amarante
qui est la fable 13 de son livre VIII .
fable que l'on peut trouver sur :
https://www.lafontaine.net/les-fables/les-fables-du-livre-viii/tircis-et-amarante/#r1
Rapports avec Furetières
Les rapports avec Furetière étaient moins bons
comme on
pouvait le lire dans le tome V des Mémoires de l'Académie de Dijon
(il faut dire que Furetière avait été exclu de l'académie pour avoir édité
son propre dictionnaire)
On pourra voir dans cette lettre de Madame de Sévigné à son cousin Bussy-Rabutin
que les rapports entre Benserade et Furetière n'étaient pas au beau fixe, loin
de là !
Effectivement, on va pouvoir lire ci-dessous ce que pensait Furetière de
Benserade.
Dans ce troisième Factum Furetière revient sur le discours que
Benserade avait prononcé
lors de la réception à l'académie française de
Thomas Corneille le 2 janvier 1685,
discours dans lequel iquelques pointes
étaient adressées à ses collègues.
(on peut rappeler que Furetière avait été exclu de l'académie frénçaise en 1685)
Là, dans le Recueil des Factums de Furetière (édition
de 1694)
dans l'édition de 1859 faite par Charles Asselineau, on peut lire la
réponse qu'il avait faite à Benserade
lorsque ce dernier s'était assis
à sa place et avait dit "me voici dans un lieu d'où je vais dire bien
des sottises"
Dans les Oeuvres de Boileau publiées en 1757 par M. de Saint-Marc, une note revient sur ce que Furetière avait écrit sur Benserade
|
Lors du colloque du Centre International de Rencontres sur
le XVII° siècle de Tunis les 14-16 mars 2002,
Mariette Cuenin-Lieber
rappelait le portrait de Benserade fait par Furetière peu de temps après avoir
été exclu de l'académie française,
portrait peu flatteur
On peut
être surpris de découvrir le titre de la communication mentionnée ci-dessous,
mais on peut rappeler que :
dans le Ballet de Psyché, créé
en 1656, plusieurs esclaves maures, cadeau de Marc-Antoine à Cléopâtre dansent,
dans le Ballet d'Alcidiane, créé le 14 février 1658, d'autres
esclaves maures accompagnent à la guitare la princesse de Mauritanie
dans le
Ballet de l'Impatience, créé le 19 janvier 1661, ce sont
quatre marchands maures qui sont impatients de voir arriver leurs vaisseaux !
Rapports avec Molière
On pourra tout savoir sur les rapports qui ont existé entre Benserade et Molière sur la page qui leur est consacrée
Rapports avec Racine
Extrait du document Louis Racine : Mémoires sur la vie et les ouvrages de Jean Racine
Dans son livre Les ennemis de Racine, de 1879, F.Deltour montre que les rapports entre les intellectuels du XVII° siècle étaient parfois difficiles !
On peut rappeler que Corneille avait écrit plusieurs poésies dans le cadre des échanges entre poètes à l'époque de la querelle des sonnets comme on peut le voir en cliquant ici.
On peut encore rappeler que dans le livret du ballet Hercule amoureux, écrit en 1662, Benserade a repris un vers que Corneille avait écrit 25 ans plus tôt dans Le Cid comme on peut le voir ci-dessous ; Benserade connaissait donc la pièce de Corneille :
extrait
de la pièce Le Cid |
extrait du ballet
Hercule amoureux |
Rapports avec Mazarin
Dans son livre "Extravagants et originaux du XVII° siècle",
Paul de Musset nous apprend qu'un peu après la querelle des sonnets,
en
1649, Mazarin qui avait préféré le poème sur Job au poème de Vincent Voiture,
semblait apprécier Benserade : le cardinal lui avait demandé de traduire des
poèmes
qu'il avait écrits jadis en langue italienne, et c'est ce que notre
poète a fait : il recevra même une pension !