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Dans fort peu, le Ballet du Roi,
Fort divertissant, sur ma foi,
Qu’on intitule (que je pense)
Le Ballet de l’Impatience,
Dans le Louvre se dansera,
Et, sans doute, admiré sera :
Car c’est chose très véritable
Qu’il est beau, qu’il est admirable ;
J’en vis (dont je fus ébaudi)
La Répétition, Jeudi,
Où, sans vanité, je puis dire
Que j’étais placé comme un Sire ;
Et, foi de sincère Normand,
Le tout me parut si charmant,
Que, du Roi, l’auguste prestance,
Des Princes et Seigneurs la Danse,
Et les concerts mélodieux
Me semblèrent dignes des Dieux.
*
Outre la beauté des spectacles,
L’harmonie y fit des miracles,
Car les divers Musiciens,
Tant de la Cour, qu’Italiens,
Si parfaitement réussirent,
Qu’ils délectèrent, qu’ils ravirent.
Ô Que l’on fut bien diverti
Par l’aimable Bergeroty,
Dont la voix est mignonne et claire,
Et par Mademoiselle Hilaire,
Lui chantant Lambertiquement,
Nous comblait de contentement !
Et par l’admirable La Barre,
Sur qui peu de Filles ont barre,
Soit pour enchanter, en l’oyant,
Ou pour charmer en la voyant !
*
Rien ne fut plus jovialiste
Que Deauchamp, Dolivet, Baptiste. *
L’inimitable Sieur Geoffroy
Fit, bien de fois, rire le Roi,
Ayant un béguin sur l’oreille,
Et faisant l’aveugle à merveille. *
Ô Que la Mignonne Vertpré
Capriola bien à mon gré !
Et que Giraud et sa Compagne,
Qu’un air grâcieux accompagne,
Dans de favorables instants,
Agréèrent aux Assistants !
*
Et que les Vers de Bensérade
Sur qui l’on jeta mainte œillade,
Furent prisés, pour leur douceurs,
Par d’experts et bons connaisseurs !
*
Le Sieur Balard qui les imprime,
Imprimeur, que la Cour estime,
Bientôt, dit-on, les publiera,
Et chacun en achètera.
*
Enfin, ce Ballet magnifique,
Moitié grave, moitié comique,
Id est pompeux
et jovial,
Se peut nommer vraiment Royal ;
Et si l’on me fait cette grâce
De m’y donner, encore, place,
Il sera (je pense) à propos
D’en dire encor deux petits mots :
Mais si l’entrée on me refuse,
Foi de Poète, ou foi de Muse, Et, même, foi d’Homme de bien,
Je jure de n’en dire rien
Dans mon autre futur Ouvrage,
Ô Quel malheur ? Ô quel dommage !
Maintenant que j’écris ceci
(J’en ai, de deuil, le cœur transi)
Devant le Roi, devant les Reines,
Qui sont de retour de Vincennes,
On s’en fait, en perfection,
L’ultime répétition,
Avec tous les tons harmoniques,
Avec les habits magnifiques,
Les Machines, et cetera.
Las ! toute la Cour la verra,
Et, pourtant, je n’y saurais être ;
Ô pour moi, quel jour de bicêtre !
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