Lettre de Jean Loret du 31 juillet 1661,
 écrite après la représentation du Ballet des Saisons
qui, lui, a été présenté le 21 juillet 1661 à Fontainebleau

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Jean Loret commence

 

Ce fut le soir de ce Jour-là
Qu’icelle Cour on régala
De plusieurs splendeurs nonpareilles
Et des surprenantes merveilles,
D’un Ballet si rare et si beau,
Et dont le genre est si nouveau,
Que Spectateurs et Spectatrices
Admirèrent ses artifices.

Un Théâtre des mieux orné
Que mon œil ait jamais lorgné,
Roulant sur les fortes échines
De plus de cent douze Machines,
Lesquelles on ne voyait pas,
S’étant avancé de cent pas,
On ouït, soudain, l’harmonie
D’une Angélique symphonie
De douces Voix et d’instruments ;
Et durant ces divins moments,
On admirait sur des montagnes
Diane et ses chastes Compagnes,
(Avec des arcs, flèches, ou traits)
Ayant d’adorables attraits,
Et dont, tout de bon, quelques-unes,
Tant blondines, que claires-brunes,
Charmaient cent cœurs, en moins de rien,
Sans, même, en excepter le mien.

Diane, non pas la première,
Mais, des Cieux seconde lumière,
Ayant sur son front ravissant
Un riche et lumineux croissant,
Était, illec, représentée
Par Madame, alors, escortée
De dix des Belles de la Cour,
Qui sont autant d’Astres d’amour.

Si tôt que les Récits cessèrent,
Ces Aimables Nymphes dansèrent
Avec des habits précieux,
Qui donnaient bien moins dans les yeux
Que mille grâces naturelles
Qu’on voyait éclater en elles.

Le Roi parut, soudain après,
Sous la figure de Cerès ;
Puis il fit, sous autre visage,
D’un beau Printemps le Personnage,
Et dans l’une et l’autre action,
Sa belle disposition
Parut, non seulement Royale,
Mais, certainement, sans égale.

Monsieur, d’habits d’or éclatants,
Un Vendangeur représentant,
D’un bel air, suivant la cadence,
Fit admirer aussi sa danse.

Monsieur le Duc, pareillement,14
Fit paraître tant d’agrément,
Qu’on prisa fort de Son Altesse,
Les pas, l’adresse et la justesse.

On demeura, même, d’accord,
Que Monsieur le Duc de Beaufort,
Compris dans ce Royal spectacle,
Faisant l’Apollon à miracle,
Et dansant avec les neufs Sœurs,
Parut un des meilleurs Danseurs.

Bref, les autres Seigneurs de marque
Qu’avait choisis notre Monarque,
Et ceux de moindre qualité,
Sans que pas un d’eux soit flatté,
Comme on les tient, en cas de danse,
Des mieux entendus de la France,
Chacun d’eux, en ce beau Talent,
Parut, tout à fait, excellent.

Enfin, les neufs Muses célestes,
Mignonnes, gracieuses, lestes,
Ravissants les cœurs et les yeux,15
Par leurs pas concertés des mieux,16
Et Jules Du Pin avec Elle,
Qui de l’Amour portait les ailes,
Finirent agréablement
Ce rare Divertissement,
Que Saint-Aignan, illustre Comte,
Dont la France cent biens raconte,
A très agréablement inventé
Par ordre de Sa Majesté.

De toutes les choses susdites,
Par moi trop faiblement écrites,
Je vis le fond et le tréfond,
Grâces au généreux Beaumont,
Écuyer de la Reine-Mère,
Gentilhomme brave et sincère,
Qui, vers moi, débonnaire et franc,
Me plaça sur son propre banc,
Parmi de fort nobles Personnes,
Et, même, assez près des Couronnes.

Du susdit Ballet que je vis,
On saura, par forme d’avis,
Que les Airs sont du Sieur Baptiste,
Qui d’Orphée est un vrai copiste ;
Que Benserade a fait les Vers,
Auteur prisé dans l’Univers ;
Et que Mademoiselle Hilaire
Dont la voix a le ton de plaire,
Et le sieur Le Gros, mêmement,
Y chantèrent divinement :
Mais pour en savoir davantage
Que je n’en dis dans cet Ouvrage
Écrit à la hâte et sans art,
Voyez l’Imprimé de Balard,
Qui n’a rien que de véritable
Et qu’on vend à prix raisonnable.

 

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